Les outils de la transformation : la cartographie selon Simon Wardley

Temps de lecture : 7 minutes

Lors de nos missions, nous parlons stratégie, roadmap, vision ou encore innovation. Nous abordons des sujets comme la transformation des équipes, le changement des pratiques de travail, ou l’accompagnement au changement. Derrières toutes ces formules – bien souvent galvaudées – quelle réalité ? Dans cette série d’articles nous tenterons de donner du sens à ces concepts et de présenter des outils d’actions. 

La capacité de pivoter

Ces transformations tant désirées et tant attendues sont le reflet des transitions auxquelles nous faisons aujourd’hui face plus que jamais : transition technologique, transition environnementale, transition sociétale. Les entreprises, étant parties intégrantes d’une société où le rythme d’évolution s’est accéléré doivent être en capacité de s’adapter. Et donc capables de changer. Non pas de changer d’un point A à un point B, mais de passer d’un état “stable” à un état capable de gérer les transitions et de s’adapter à un contexte en mouvement constant. La récente crise sanitaire liée au Covid-19 illustre bien cette nécessité d’être en capacité de pivoter rapidement et de réinventer son modèle.

Ce changement est donc d’un autre niveau, et ne pourra alors pas être résolu par les outils d’un monde de stabilité. Comment établir une stratégie “neuve”, imaginer de nouveaux scénarios, sans changer la grille de lecture et d’analyse ? Comme le notait Einstein : “ Nous ne pouvons pas résoudre un problème avec le même niveau de pensée de celle qui l’a créé”. Pourtant, quelles nouveautés de “pensée” avons-nous amenées dans les entreprises ? 

C’est ainsi que nous avons exploré de nouveaux outils nous amenant à observer sous un autre angle, à agir d’une manière nouvelle pour créer un champ de transformation dans les organisations, répondant aux enjeux actuels de complexité et de mouvement permanent. 

Dans cette série d’articles, je souhaite partager avec vous quelques uns de nos apprentissages issus de ces nouveaux outils de lecture et de transformation, qui inspirent nos méthodes de travail et que vous retrouverez dans nos manières d’être chez nos clients. 

L’art de cartographier la maturité

Simon Wardley nous propose une carte pour établir une stratégie contextualisée et ouvrir le champ de dialogue. 

Face à une complexité croissante, et à un rythme des évolutions accéléré, nous avons besoin d’outils de stratégie appropriés, intégrant le contexte dans lequel nous vivons, les innovations et le niveau de maturité des produits. Une “carte” dynamique, non linéaire et nuancée. Un outil riche permettant de visualiser l’ensemble de la chaîne de valeur proposée en partant du besoin utilisateur, et de positionner les éléments en fonction de leur degré de maturité. 

Un exemple de carte issue du site de Simon Wardley

C’est justement cette dernière notion de degré de maturité qui fait particulièrement écho en nous, et apporte un éclairage sur les différents rôles nécessaires dans une entreprise afin de faire cohabiter innovation et fonctionnement à l’échelle industrielle. 

Simon Wardley identifie alors 4 étapes clés et 3 états d’esprit complémentaires pour l’ensemble de la chaîne. 

Les quatre étapes sont : 

  • genesis : la genèse d’une idée, d’une intuition jusqu’à son prototype et quelques premières expérimentations
  • custom built : premières utilisation par des clients, nécessitant d’améliorer le produit tout en l’adaptant aux demandes spécifiques
  • product : produit clairement défini et packagé, qui fonctionne
  • commodity : produit standardisé, courant, largement utilisé, et qui peut générer de grande économies d’échelle 

Chacune de ces étapes doit nécessairement exister dans toute chaîne de valeur afin d’assurer un futur prometteur tout en exploitant les efforts d’innovation réalisés auparavant afin de faire vivre le groupe. Chaque étape requiert différentes qualités et facultés, toutes autant nécessaires. 

Je ne vais pas ici vous détailler l’outil de cartographie (allez plutôt voir le site de Simon Wardley, ici) mais il m’a semblé essentiel de revenir dans cet article sur ces qualités, de les définir et les reconnaître, et valoriser chacune d’entre elles

C’est aussi l’occasion de se positionner et d’aligner notre fonction avec ce que nous sommes ou faisons plus naturellement. Bien entendu, si une dominante est facilement reconnaissable, l’idée n’est pas de se mettre dans une case, mais bien de mieux identifier les rôles de chacun pour mieux se comprendre et fonctionner ensemble. #HumanAPIs

Être Pioneer

L’état d’esprit pioneer s’avère essentiel dans les étapes de Genesis et Custom Build. Il s’agit de savoir fonctionner dans un environnement très flou avec une forte marge d’incertitude et de voir la page blanche comme une source d’opportunité. Les résultats ne sont pas garantis et il faut avoir une faculté de rebondir pour ne pas se laisser atteindre par des changements constants de direction, l’abandon de certaines idées, ou les temps longs.

Toujours à l’affût de nouvelles opportunités, il s’agit également de faire des liens entre des concepts déjà existants, de tester et expérimenter sans peur de se lancer, d’entendre les feedbacks, et de se satisfaire d’un produit non fini. Explorateurs dans l’âme avec une forte intuition, bidouilleurs, à l’écoute du client, les pioneers sont à l’aise pour tenter d’expliquer ce qui n’est pas clairement défini.

Être Settler

Une fois que des premiers prototypes fonctionnent, ou qu’un concept est démontré, beaucoup de temps et d’énergie a été dépensé pour un faible retour sur investissement et peu de public en profitant. C’est là que l’état d’esprit de settler devient essentiel pour passer de custom built à product. Il s’agit alors de consolider, structurer, affiner mais également de définir le marché et de former pour acquérir un plus grande nombre d’utilisateurs.

Dotés d’une grande capacité de synthèse et d’un bon sens de l’organisation, les settlers comprennent les pioneers, voient la valeur dans ce qui n’est pas abouti. Toujours proches des utilisateurs afin d’instaurer des mécanismes d’amélioration continu, il s’agit de standardiser pour diffuser à grande échelle ce qui était auparavant à l’état de prototype. 

Être Town Planner

Le produit ou concept devenant structuré et adopté par un marché en croissance, l’enjeu devient d’assurer sa solidité et son opérabilité dans le temps. Les town planners apprécient ce qui est structuré, défini et connu et ont le soucis du détail et de l’optimisation. Ils ont la capacité d’assurer une grande efficacité opérationnelle dans la répétition pour un marché mature.

Ainsi, de grandes économies d’échelles peuvent être assurées par un produit standard et connu. Organisés, perfectionnistes, structurés, et surtout extrêmement fiables ces town planners assurent des profits majeurs grâce à l’exploitation dans le temps de ce qui a été initié par d’autres. 

Bonnes pratiques issues du mapping

Chez nos clients, nous observons bien souvent une séparation des activités d’innovation et d’exploitation, avec deux mondes qui ne partagent pas les mêmes enjeux et s’opposent plutôt que de se compléter. 

Créer un collectif qui fonctionne ensemble est certainement l’enjeu des organisations aujourd’hui. 

De cet outil de mapping, quelques bonnes pratiques s’imposent alors : 

  • Tous les profils sont nécessaires et extraordinaires dans ce modèle. Ils méritent d’être valorisés sans glorifier un type plutôt qu’un autre.
  • Permettre à chacun d’être à sa place : combien de fois me suis-je retrouvée face à des “town planners” dans l’âme placés à des fonctions de “pionnier”, et donc en situation d’inconfort ou de panique lorsque la roadmap n’est pas claire.  Ou encore à des pionniers à qui on demande de structurer et industrialiser leurs idées, bien que ce soit un véritable poids pour eux.
  • Adapter les attentes et objectifs à chaque type de population en fonction de la maturité de leur produit. Structuration et processus pour les town planners, capacité à fédérer ou à explorer pour les pionniers par exemple. Il s’agit de trouver un alignement entre les forces de ces profils et les attentes vis à vis d’eux, afin d’en tirer le plein potentiel en limitant les contradictions.
  • Adapter les critères de succès correspondant à chaque étape pour un produit/concept. On ne peut pas juger le nombre de pannes / d’utilisateurs comme unique taux de réussite pour un produit en phase Genesis / custom built ou bien uniquement le nombre de release pour un produit type commodity.
  • Faciliter le dialogue entre ces types de profils en diffusant largement leurs forces et qualités. C’est en se comprenant mieux que la différence devient une force et que la traduction devient possible entre ces profils complémentaires. 

Construire le collectif

Nous avons cherché à identifier collectivement les profils types composants nos équipes. C’est un exercice à faire en équipe, car le trait dominant est souvent encore plus visible pour les collègues que pour soi même ! Ainsi, nous connaissons bien les forces à solliciter en fonction de la maturité d’un projet. 

De même, nous construisons régulièrement une matrice pour placer nos sujets d’activités en fonction de leur maturité. Ainsi, nous avons pu observer clairement et diffuser en interne ce qui est déjà devenu un produit, et le différencier de ce qui est encore exploratoire. Un backlog différent, qui permet à la fois une vision globale riche, et la possibilité de prendre des actions pour faire évoluer la maturité d’un sujet. 

Plus que jamais, nous avons besoin de collectifs pour travailler ensemble à créer notre futur et le pérenniser. La complémentarité des rôles est essentielle. Et si vous vous laissiez inspirer pour votre collectif ? 

Dans le prochain article, nous explorerons les coulisses d’une transformation.

Commentaires :

A lire également sur le sujet :