La culture du feedback : le feedback, un cadeau

Temps de lecture : 7 minutes

Le feedback peut être défini comme toute information collectée à la suite d’une expérience. Généralement, son intégration permet de modifier volontairement la prochaine occurrence de cette expérience, en introduisant un ou plusieurs changements visant à apporter une amélioration.

La source du feedback peut être externe. C’est le cas lorsqu’un ou une collègue communique une observation sur mon travail, ou lorsque le boulanger me sourit quand je lui souhaite une bonne journée. Elle peut également être interne ou personnelle, comme le feedback que je me donne quand j’auto-évalue la manière que j’ai eu d’interagir avec un client, ou que j’observe comment je me sens lorsque je me tiens droit sur ma chaise de bureau (auto-feedback).

Dans la pratique, il y a toujours du feedback dans une situation donnée. Une absence de feedback peut représenter un feedback en soi : mon manager ne me donne pas de retour, est-ce que je peux faire quelque chose de ce constat ? Mais également dans la manière que j’ai d’accueillir cette absence de feedback externe. Comment je me sens : abandonné, fier, désorienté ?

Intérêt du feedback

Le feedback est un outil fantastique pour réaliser des prises de conscience favorisant une amélioration à l’échelle de l’individu, de l’interaction et/ou du système.

Lorsque le processus est intégré chez l’individu, il permet de réaliser des apprentissages en continu, de développer l’autonomie et de progresser sur des objectifs fixés en ajustant sa manière d’opérer, que cela soit grâce à du feedback externe ou interne.

Il permet également de prendre de la distance avec un retour inconfortable, que celui-ci soit un événement de vie malencontreux ou le retour maladroit d’un ou d’une collègue, en se focalisant en premier lieu sur la forme, puis sur le contenu. Par exemple, il va être relativement confortable de gérer une situation où mon travail est remis en question en me disant « ok, je reçois un feedback, je l’analyse, et je décide de quoi en faire ». A contrario, assimiler immédiatement le feedback, sans prise de recul, peut engendrer une réaction émotionnelle inadaptée, en plus d’avoir une attitude peu constructive par rapport à l’information reçue.

Dans une équipe, le feedback permet également de promouvoir une culture de la transparence, et de favoriser la circulation de l’information. Il permet d’enrichir une communication ouverte entre les individus. Ce faisant, la probabilité de malentendus interpersonnels diminue, tandis que celle qu’une information pertinente puisse être transmise au sein du collectif augmente.

Un des cas les plus évidents réside dans la mise en lumière d’angles morts : trivialement, cela peut être une vieille habitude ou un tic de langage qui nuit aux interactions.

En somme, le feedback facilite l’intelligence collective, et est d’autant plus important dans un contexte professionnel où le savoir génère de la valeur business.

Plusieurs types de feedback

Il est important de distinguer les types de feedback pour pouvoir adapter son discours lorsqu’on en donne, ou se préparer au mieux à en recevoir. Nous nous inspirons de la discrimination du feedback en trois catégories proposées dans « Thanks for the feedback » par Douglas Stone et Sheila Heen (1) : le feedback d’appréciation de coaching et d’évaluation.

Appréciation

C’est celui qui montre que l’on apprécie une personne ; il permet de créer le sentiment d’appartenance à un groupe et d’encourager l’individu. Dans une équipe, il est utile pour montrer que l’on considère la personne au sein du groupe.

Exemple : “J’apprécie travailler avec toi”

Coaching

C’est celui qui va aider la personne à s’améliorer, se former et grandir, en lui proposant des axes où focaliser son énergie et son temps. C’est notamment ce type de feedback qui va aider au quotidien l’individu à améliorer son travail, ses interactions et globalement sa performance. Toutefois, il faudra être particulièrement vigilant à développer une attention lucide sur ses propres projections ou interprétations, ainsi qu’à la manière de formuler ce type de feedback pour maximiser les chances qu’il soit accueilli de manière positive.

Exemple : “J’observe que tu n’arrives jamais à l’heure aux réunions et que cela impacte négativement la dynamique de l’équipe. Je te conseille de voir ce dont tu as besoin pour apporter du changement : peut-être peux-tu réviser la manière que tu as de t’organiser ?”

Évaluation

C’est celui qui permet à la personne qui le reçoit de savoir où elle se situe par rapport à un standard ; ce dernier peut être un objectif, la performance moyenne des individus dans le même rôle, etc. C’est généralement le feedback attendu lors d’un entretien annuel.

Exemple : “Tu as dépassé les attentes ! “ ou “Tu n’es pas encore au niveau attendu …”

L’utilisation consciente d’un type de feedback permettra de mieux accompagner un collaborateur ou une collaboratrice, en fonction de ce qu’il ou elle souhaite recevoir, ou semble avoir besoin. Néanmoins, il est généralement important de donner les trois types de feedback pour encourager au mieux le développement de la personne.

Donner et recevoir du feedback

L’implémentation de la culture du feedback peut se heurter à plusieurs obstacles. Pour la personne qui le donne, il peut y avoir la peur de bousculer en communiquant des informations déplaisantes. Pour celle qui le reçoit, cela peut venir l’interpeller sur des problèmes d’estime personnelle qui entraînent l’évitement du feedback, ou la recherche d’un feedback biaisé.

Pour que le feedback soit perçu comme une opportunité plutôt qu’une menace, il convient de s’assurer au préalable que certaines valeurs sont bien établies au sein du système, comme la bienveillance, la transparence, l’ouverture et l’apprentissage.

C’est dans un environnement cadré et sécurisant qu’un feedback authentique pourra être donné et reçu, et que la mise en place de confrontations constructives sans complaisance sera facilitée. Dans une entreprise, cet environnement favorisant ces confrontations et les innovations subséquentes est souvent décrit comme issu d’une culture de la candeur, notamment chez Netflix (2). C’est chez cette dernière que l’on trouve le format A4 pour donner et recevoir du feedback :

Aim To Assist : Le feedback est donné dans la volonté d’aider la personne qui le reçoit. L’intention du feedback est positive, et vise à améliorer un facteur du système.

Actionnable : Le feedback donné doit permettre d’enclencher une résolution. Il doit être précis, et éventuellement être accompagné de suggestions (feedback de coaching).

Appreciate : Lorsqu’un feedback est reçu, il est conseillé de se mettre en posture d’écoute sereine et attentive, et d’évaluer les propos avec discernement. Il ne faut pas hésiter à faire préciser le propos et à reformuler pour s’assurer d’une compréhension commune. La plupart du temps, il y a quelque chose à prendre dans un feedback, aussi maladroit soit-il. Une attitude de novice apprenant, loin de celle d’expert, permet l’accueil inconditionnel du feedback, d’éviter de se justifier, et de développer une identité tournée vers la progression (growth identity/mindset).

Accept Or Discard : Une fois le feedback accueilli, il est de sa propre responsabilité de le prendre en compte, de l’analyser et de la suite à lui donner. On peut décider de l’intégrer ou de le balayer, en veillant néanmoins à ne pas le rejeter par automatisme. Ce réflexe d’écartement peut être déclenché par le contenu du feedback, par la personne qui nous le délivre, ou par la remise en question de l’identité qu’il peut engendrer (truth, relationship et identity triggers).

Note : Souvent, le feedback que l’on donne aux autres est celui que l’on se donne à soi-même, avec plus ou moins de conscience. C’est le cas lorsque l’on projette son système de valeurs ou ses injonctions et messages contraignants dans le message émis.

Dans l’entreprise

A l’échelle de l’organisation, le feedback est encouragé à plusieurs échelles :

Processus de recrutement : le recruteur propose aux candidats un auto-feedback et un feedback général après chaque entretien. Ce processus permet de révéler les éléments où il y a intersection entre le candidat et l’entreprise, ainsi que de constater l’ouverture au feedback.

Sollicitation spontanée (pull) : un template est mis à disposition des consultants et consultantes pour les encourager à solliciter du feedback auprès de tout collaborateur et/ou client à tout moment de l’année. La démarche vise à favoriser l’autonomie, l’esprit critique et l’amélioration continue de la consultante. Ce feedback peut être demandé au fil de l’eau ou en particulier après des ateliers internes (KM Time).

Entretien annuel : il est proposé de demander du feedback auprès de tout collaborateur et/ou client pour faire un bilan, définir des axes d’amélioration, et observer l’adhérence du consultant au projet de l’entreprise.

Gouvernance : la direction sollicite du feedback auprès des consultants et consultantes, par des questionnaires réguliers suivis de restitutions, mais également à titre individuel avec le template. Ce processus permet de collecter de l’information de terrain et de montrer l’exemple, mais également de freiner une éventuelle omerta liée à une différence hiérarchique intimidante.

Conclusion

Le feedback est un outil simple et puissant qui élargit les perspectives d’amélioration à de multiples niveaux dans une entreprise. Il peut être challengeant d’en installer la culture, car il vient souvent provoquer des remises en question inconfortables et impacter les manières préétablies de fonctionner.

Cependant, la croissance d’un individu ou d’une entreprise se fait rarement dans la zone revisitée du connu. S’engager dans la culture du feedback, c’est être prêt à avoir l’humilité d’accepter d’être là où l’on en est, décider de s’ouvrir à la réflexion critique du collectif, et s’en saisir avec courage pour entreprendre vers le re:nouveau.

(1) Stone, Douglas, and Sheila Heen. Thanks for the feedback: The science and art of receiving feedback well. Penguin, 2015.

(2) Hastings, Reed, and Erin Meyer. No rules rules: Netflix and the culture of reinvention. Penguin, 2020.


Article initialement publié dans le hors-série reBirth, à télécharger ici.


Commentaires :

A lire également sur le sujet :