La communauté de pratique : pourquoi et comment favoriser son émergence dans l’entreprise ?

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Le “knowledge management” (ou gestion de la connaissance) est un des piliers de l’entreprise plateforme et doit être envisagé sous tous ses aspects : technologique (les outils), organisationnel et pratique (le faire).

Nous allons ici nous concentrer sur les pratiques et plus précisément les communautés de pratique, qu’Etienne Wenger – théoricien de l’éducation et “fondateur” de la théorie des communautés de pratique – définit ainsi : « groups of people who share a concern, a set of problems, or a passion about a topic, and who deepen their knowledge and expertise in this area by interacting on an ongoing basis ».

Article écrit en collaboration avec Jalil Khayi.

Vous l’aurez compris, pour qu’une communauté puisse exister, il faut des gens – des praticiens même ! – et surtout un collectif. Il faut aussi et avant tout une pratique commune, où comme le dit E. Wenger, un sujet d’intérêt commun (à lire également, notre article sur la communauté de pratique Machine Learning).

Pour survivre et grandir, la communauté peut s’appuyer sur plusieurs outils et méthodes, comme des cérémonies ou rituels réguliers (réunions, meetups, ateliers, projets…) ou même des artefacts (bonnes pratiques, retours d’expérience, livres blancs, outils…).

Et concrètement, pourquoi faire partie d’une communauté de pratique ?

En tant que praticien ou praticienne, échanger régulièrement avec mes pairs me permet d’apprendre mais aussi de transmettre. En transmettant, j’apprends aussi à mon tour, et je nourris mes connaissances de ces interactions et débats. C’est le cœur de réacteur d’une organisation apprenante et de l’économie de la connaissance.

Le sentiment d’appartenance est également un facteur déterminant, car en tant qu’êtres humains nous avons besoin d’être entourés de personnes qui partagent nos valeurs et ont les mêmes centres d’intérêt – qui nous ressemblent et partagent un grand nombre de références. Il s’agit d’une structure pertinente d’existence et d’épanouissement pour les individus (plus pérenne dans le temps qu’un projet, moins arbitraire qu’un département).


What I cannot create I do not understand – Prof. Richard Feynman, physicien américain


Donner du sens à des expériences centrées sur les projets, créer ensemble une dynamique de groupe, un collectif qui permet d’expérimenter et de partager des bonnes pratiques.

Quel est l’intérêt du point de vue d’une organisation de soutenir ces communautés ?

Une communauté ne peut pas vivre et assurer sa pérennité sans sponsor (financier, matériel, humain). Pour une organisation, avoir ce type de relais d’animation et de management est une mine d’or. Cela pousse les praticiens à s’encadrer eux-mêmes, à assurer leur propre montée en compétence et à ne pas reproduire les erreurs vécues par d’autres.

Il s’agit là d’une traduction des principes Agile/Scrum dans des contextes hors projets qui suggèrent de laisser les praticiens s’organiser comme ils ou elles le souhaitent, et comme cela fait du sens pour eux, plutôt que d’imposer une organisation et des modes de fonctionnement. Cela permet également de nouer des relations avec des interlocuteurs privilégiés pour traiter les questions d’évaluation de performance, d’orientation de carrière, ou de montée en compétences.

Les communautés doivent également être perçues comme une chance de construire et faire évoluer les offres, de pallier certains manquements et de répondre aux plus près aux besoins de ses utilisateurs. Un membre convaincu est un ambassadeur hors pair !

Certains peuvent également se révéler être des interlocuteurs privilégiés pour focaliser et relayer les efforts de recrutements, pour évaluer la pertinence des candidats, et mettre en lumière la marque employeur quand elle est à la hauteur de leurs exigences.

Les communautés de pratiques fonctionnelles sont des objets qui émergent des praticiens, et pas quelque chose qui se décide depuis le sommet !

C’est la condition sine qua non de la raison d’être d’une communauté, elle naît de la main de celles et ceux qui pratiquent et qui la font vivre. Elles ne peuvent être construites artificiellement par le top management. 

Par contre, les décideurs ont des leviers à leur disposition pour favoriser l’émergence de communautés de pratiques fonctionnelles :

  • Créer un environnement favorable à la prise d’initiative personnelle : culture du feedback (voir ici notre article « Le feedback, un cadeau« ), esprit entrepreneurial, droit à l’échec, bienveillance et acceptation du débat et de la contradiction…
  • Etre clair sur la vision, les enjeux et les objectifs et laisser une grande marge de manœuvre sur les moyens d’atteindre ces objectifs.
  • Posture de Servant Leadership, concept développé dans les années 1970 par Robert Greenleaf. Le leader se met au service de ses collaboratrices et collaborateurs, donne de l’autonomie aux équipes, développe une dimension éthique importante et immuable et cherche à avoir un impact positif sur son écosystème et sa communauté.
  • Viser les caractéristiques des organisations “Next generation” théorisées par le brillantissime Simon Wardley : 

Message à caractère informatif pour les praticiens et les praticiennes

Nous proposons à celles et ceux qui font la communauté quelques astuces et conseils pour faire émerger et faire vivre une communauté de pratique.

Mapper sa communauté

En 2019, lors d’un Map Camp organisé par Simon Wardley à Londres, nous avons eu la chance d’écouter d’Emily Webber sur le Capability profile mapping et ce fut une véritable révélation ! Emily Webber a développé un framework pour mapper et appréhender la maturité des communautés de pratiques et c’est un vrai game changer pour quiconque s’intéresse au sujet.

Voici un aperçu du framework et nous vous encourageons vivement à écouter sa conférence en ligne et vous pencher sur ses travaux, si cela vous tient à cœur de développer votre communauté.

Avoir conscience et accepter le temps long

Développer et faire vivre une communauté, c’est un marathon, et pas un sprint ! Bien sûr, ce n’est pas impossible d’avoir des résultats à court terme, mais ce n’est pas la règle, et il y a beaucoup de hauts et de bas, c’est normal il faut l’accepter.

Les activités d’une communauté de pratique ne sont jamais – longtemps – le focus principal des praticiens ou des praticiennes, comme tout centre d’intérêt cela vient par vagues et moments de vie. 

Se concentrer sur les gens et le collectif

En effet, il est facile de tomber dans le piège et de gérer une communauté comme un projet en mettant le curseur sur les chantiers et les livrables matériels. Or, ce ne sont que le moyen de faire grandir le collectif, l’important se sont les gens et le collectif qui le forment.

Notre expérience personnelle

Depuis le temps que nous sommes au cœur de communautés de pratiques, nous avons tiré plusieurs leçons.

Tout d’abord, le premier jalon important c’est quand l’existence de la communauté est suffisamment reconnue pour être considérée comme un état de fait dans l’organisation.

Le deuxième jalon important c’est quand la communauté commence à être sollicitée par les autres entités de l’organisation, cela lui confère une légitimité et un sentiment de fierté.

Enfin, le troisième jalon (le plus dur à atteindre diront certains) c’est quand il n’y a plus de Single Point Of Failure, que la communauté peut survivre au départ d’un leader/animateur clé.


Article initialement publié dans le hors-série reBirth, à télécharger ici.


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