Retour sur le World Impact Summit 2022 : greenwashing ou véritable avancée ?

Temps de lecture : 23 minutes

Du 30 novembre au 1er décembre 2022 s’est tenue la 5ème édition du World Impact Summit, au Palais des Congrès de Bordeaux, sommet fondé par Nicolas Pereira en 2018, ayant pour « objectif de réunir les grands témoins internationaux de l’urgence climatique et les solutions portées par les acteurs économiques, publics ainsi que la société civile.« 

Durant 2 jours, ce sont plus de 200 speakers et partenaires qui sont réunis, plus de 150 exposants, un florilège de solutions (+ de 1000) et pas moins de 8000 participant.e.s, en distanciel et sur place, à Bordeaux.

Cette édition, notamment parrainée par Bertrand Piccard, fondateur de la fondation SolarImpulse, et premier homme à avoir effectué un tour du monde avec un avion solaire, se veut être un accélérateur de la transition écologique et énergétique, à travers une idée commune : l’innovation.

Le sommet, divisé entre Tables Rondes, Keynotes et Ateliers, a accueilli de nombreuses entreprises, certaines plus critiquées (et critiquables) que d’autres. À travers les talks auxquels j’ai pu assister et les discussions que j’ai pu avoir, nous verrons l’authenticité des discours et possiblement, si ceux-ci prennent une forme de greenwashing.

https://www.mediaterre.org/users/TERREMAJEURE/images/bannieres-wis-2022.png

Le greenwashing, qu’est-ce que c’est ?

Le greenwashing ou « écoblanchiment », est une « Utilisation fallacieuse d’arguments faisant état de bonnes pratiques écologiques dans des opérations de marketing ou de communication. (On trouve aussi blanchiment vert, calque de l’anglais greenwashing) ».

Dictionnaire Larousse

Il est visible lorsque les entreprises vont effectuer une sorte de « publicité mensongère » sur leurs activités, si elles ne reflètent pas la réalité ou encore pire, si le consommateur est induit en erreur. Alors comment se prévenir du greenwashing en tant qu’entreprise ?

Se prévenir du greenwashing

Pour communiquer de manière factuelle, il faut être au fait de ses impacts. Calculer son impact carbone, c’est la base pour pouvoir comprendre le coût de nos activités, et pour gagner en transparence auprès des autres individus. C’est bien souvent à cause d’un bilan carbone trop haut que les entreprises prennent la décision de communiquer de manière fallacieuse sur leurs résultats. Pourtant, mettre un chiffre sur l’impact d’une entreprise doit être vecteur de motivation, pour s’améliorer et le baisser au maximum. Différents outils existent, on peut retrouver une démarche proposée par l’ADEME (Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie) sur leur site centre de ressources sur les bilans de gaz à effet de serre.

Maintenant que le terme est défini, je vais vous exposer les points positifs et négatifs que j’ai pu relever au cours de mes deux jours passés à Bordeaux, le but étant de parler de ce qui s’est bien passé tout en remettant en question le fond et la forme du sommet.

La méthodologie WIS : Comprendre – Mesurer – Agir

Lors de l’édition 2022, la méthodologie à 3 phases CMA (Comprendre – Mesurer – Agir) a été le fer de lance de la réflexion des entreprises dans leur démarche d’engagement.

Comprendre

Il faut réfléchir avant d’agir.

Comprendre la trajectoire climatique globale

S’alerter et sensibiliser à ces informations à travers des médias de vulgarisation :

Le format de fresque peut aussi être un outil efficace pour se sensibiliser et ensuite, pouvoir animer des ateliers pour sensibiliser à son tour d’autres personnes.

Comprendre les impacts de nos propres activités

Il faut connaître ses impacts pour adapter son champ d’action. Chaque entreprise aura son propre cas d’utilisation et devra se préparer différemment à la modification de son activité.

Mesurer

Comprendre, cela amène à détecter des leviers d’actions. Il est donc nécessaire de les évaluer en les mesurant. Cette étape permet de comprendre où se trouveront les externalités négatives de leurs activités et hiérarchisera les postes sur lesquels il sera le plus urgent d’agir. Il existe plusieurs outils à disposition des organisations.

Le bilan carbone

Il permet de calculer les émissions de GES (Gaz à Effet de Serre) émises par ses activités à travers 3 scopes :

  1. GES directes : chauffage, transport…
  2. GES indirectes : émissions liées au processus de production…
  3. Autres GES indirectes : achats de marchandises, communication…

Impacts d’ordre social

On peut les calculer à travers la création d’emplois, la formation et l’éducation, l’inclusion sociale…

Ce sont des données très chiffrées qui nécessitent des études comparatives, d’avant et d’après sur une période donnée. Elles ne sont pas difficiles à mettre en place, mais peuvent être longues dans le temps d’exécution.

Impacts sur la biodiversité et le vivant

Cette démarche est plus complexe qu’un bilan carbone car plus difficile à calculer. Un outil comme le Global Biodiversity Score© permet aux entreprises et institutions financières de mesurer leur emprunte sur la biodiversité, ou encore le Biodiversity Footprint for Financial Institutions (BFFI).

Agir

Tout discours est vain s’il n’incite à l’action.

Démosthène

Agir est une obligation, les paroles sans actions sont inutiles. Cependant, il est important d’agir de manière structurée et réfléchis, notamment en se basant sur des faits scientifiques avérés et un plan d’action précis.

Agir, c’est s’engager dans une mutation de l’organisation de l’entreprise, qui au fond est une sorte de micro-société. Ainsi, il est important d’anticiper les effets rebonds et les impacts sociaux que pourront avoir cette prise de risque au sein d’une organisation.

Plan général du sommet (Source: WIS)

Les Tables Rondes, un format à perfectionner

Tout au long du sommet se sont tenues plusieurs tables rondes autour de sujets divers et variés tels que :

  • La construction et l’aménagement durable
  • La préservation des milieux naturels
  • Le numérique responsable
  • Les énergies
  • L’économie circulaire
  • La mobilité et la logistique
  • L’agriculture et l’alimentation

Le format des tables rondes était de 45 minutes, avec en général une introduction des speakers et un format d’explication des solutions mises en place pour répondre à la problématique du talk.

Beaucoup d’informations sont distribuées en 45 minutes, et le format ne laisse pas forcément le temps au fact-checking. On apprend beaucoup de choses, mais on peut se questionner sur certaines données apportées par les speakers. Malheureusement, le format adopté n’incluait pas de session de Questions-Réponses (QR), un manquement crucial à mon avis, vis-à-vis de la position qu’avaient les personnalités présentes sur la scène.

Supprimer un talk dans la journée pourrait permettre d’ajouter une petite phase de QR à la fin de chaque présentation, amenant un meilleur échange entre l’assemblée et la scène, et pouvant lever le doute quant à certaines informations.

À posteriori, il pourrait aussi être intéressant de fournir les sources sur le site du WIS de ce qui a pu être dit par les speakers, une information étant toujours plus valorisée quand on l’accompagne de son origine.

Je souhaiterais traiter parmi les différentes conférences auxquelles j’ai pu participer d’une en particulière, celle sur cette question : « Quels leviers pour assurer la disponibilité et décarbonation de nos énergies ?  » Pourquoi celle-ci en particulier ? Par son caractère un peu provocateur, du fait notamment de la présence de responsables de grands groupes.

Les conférences, un format propice au Greenwashing ?

Pour cette conférence qui se tenait le jeudi matin, voici les différents speakers présent sur place :

Liste des speakers présent pour la 1ère conférence du jeudi matin.

Nous nous baserons sur la vidéo du live de la conférence pour nuancer nos propos, la voici :


Les parties du type [MM:SS], par exemple [12:29], précisent le temps de la vidéo où se trouvent les informations traitées dans le blog.


Bertrand Piccard, Parrain de cette édition du WIS, commence par un discours de 5 minutes d’introduction à cette journée, autour de l’importance des points de vue de chacun « des partis politiques, chaque partie de la société civile, chaque ONG, peut amener comme valeur ajoutée » et que le « pessimisme peut faire place à beaucoup de réalisme ». Un discours encourageant, plein de bonne volonté, faisant presque oublier la présence des dirigeants d’Engie Green et de TotalEnergies, souvent accusés de greenwashing, venus défendre leurs point de vue sur le plateau du World Impact Summit.

Selon Bertrand, encore une fois, grâce à des exemples, il serait possible de permettre la communication entre « activistes écologiques, entreprises, des politiques, des ONG, le public ». On le verra au départ de la conférence, les activistes ne semblent pas adhérer à cette vision-là.

La modératrice, Camille Syren, rappelle la phrase de la veille de monsieur Mazzella, fondateur de BlaBlaCar, comme quoi les « dirigeants et les hommes politiques sont aussi des humains, ils ont un cœur ». Les dirigeants et hommes politiques seraient-ils déshumanisés du fait de leurs actions, elle-même certaines fois considérées comme inhumaines ? En ce sens, bien sûr que chaque dirigeant est pourvu d’une sensibilité, d’une humanité, mais d’un point de vue extérieur, les actions effectuées par une entreprise et leur impact négatif, sont souvent appliquées à la morale de leur dirigeant. Une entreprise aux actions immorales fait-elle forcément de son dirigeant une personne immorale ? Est-il nécessaire de dissocier l’œuvre de l’auteur comme on peut l’entendre dans des débats très polémiques ? Nous allons voir quelques arguments avancés durant ce débat, et appliquerons un fact-checking pour gagner en visibilité et en clarté sur les informations partagées auprès du public.

Isabelle Patrier, Directrice France TotalEnergies et première intervenante

Comme le dit Camille Syren, honneur aux femmes. C’est à Isabelle Patrier de débuter les hostilités avec une présentation de ses activités :

  • Accompagnement des territoires français dans la représentation internationale.
  • Accompagner la stratégie de transformation et les feuilles de route multi-énergies en France et en outre-mer.

Rappelons que TotalEnergies, c’est plus de 100 000 collaborateurs, dont 35 000 en France, avec le siège toujours situé en France (Cocorico ?). La modératrice rajoutant les ambitions de zéro émission net en 2050 et de la présence dans le top 5 des entreprises à énergies renouvelables en 2030.

La question du lien entre « décarbonation » et « Total » est directement abordée. Voici les objectifs de TotalEnergies en la matière :

  1. Le rôle est d’apporter l’énergie au plus près des consommateurs.
  2. L’objectif de décarbonation est touché de près depuis de nombreuses années par TotalEnergies suite à un projet de transformation de l’entreprise.
  3. Être dans le top 5 des producteurs d’électricité renouvelable d’ici 2030, avec 100 Gigawatts d’énergie installés, soit 2 fois le parc nucléaire français.
  4. Objectif de réduction du pétrole.
  5. Passage au biogaz et à l’hydrogène vert.

À partir de ce moment de la présentation, vers la 10ème minute, 3 activistes se sont suivis pour s’adresser à Madame Patrier afin de parler des dérives de son groupe. Une courte discussion a donc pris place entre l’activiste et Madame Patrier, Camille Syren essayant de calmer le jeu en disant notamment : « On écoute, et on posera les questions ». Mais je pense que cette intervention forcée de la part de l’activiste, au-delà du fait que ce soit pour critiquer les activités de TotalEnergies, est liée au format de la conférence, ne laissant pas la place à un temps de Questions-Réponses. Et comme cela était encouragé certaines fois, avoir la chance de poser des questions aux speakers hors-scène à la fin de leur talk était souvent difficile, la plupart étant pressés, de plus, le but d’une question est que la réponse soit entendue par l’entièreté du public, ce qui n’était pas faisable.

Qu’est-ce qui est avancé par l’activiste ?

[12:09]

Ce que j’ai pu retenir concernait les 24 projets, les 24 bombes climatiques de TotalEnergies. Madame Patrier réplique sur la nécessité des énergies fossiles dans le schéma sociétale actuelle, et sur ce point je suis d’accord, afin d’effectuer une transition, on doit passer d’un modèle à un autre. Cependant, le modèle actuel basé sur les énergies fossiles doit continuer d’être approvisionné pour que la société tourne.

MAIS, ici, la critique est qu’au contraire de ses promesses, TotalEnergies continuerait à implanter des projets écocides, au nombre de 24. Vérifions cette information.

Les bombes climatiques, un frein à la limitation du réchauffement en dessous des 1,5°C.

fact-checking de l’information de l’activiste

VRAI

Selon un article du journal 20Minutes publié le 23 mai 2022, TotalEnergies serait responsable de 24 « bombes carbones » sur les 425 recensées par l’ONG Reclaim France.

Qu’est-ce que c’est une bombe carbone, où bombe climatique ?

Une bombe carbone, c’est la désignation d’un gros projet d’extraction d’énergies fossiles, dont les émissions potentielles dépasseraient 1 gigatonne de CO2 sur sa durée d’exploitation, ne permettant pas de limiter le réchauffement climatique à 1,5°C mais qui pourrait potentiellement faire exploser le budget carbone dont la planète dispose par un facteur deux.

Pour ce qui est d’apporter de l’énergie au plus près du consommateur. En s’engageant dans des nouveaux projets d’extraction d’énergies fossiles, TotalEnergies répond à un besoin, à une demande. C’est la loi simple de l’offre et de la demande, s’il y a un besoin en énergie fossile, TotalEnergies semble devoir être obligé de créer de nouveaux projets. Mais pour respecter les objectifs fixés par les Accords de Paris, ce type de projet ne devrait pas avoir lieu, au risque de nous emmener au-delà des 1,5°C, voire des 2°C. De plus, mettre en place des projets de ce genre dans des pays en développement, c’est les enfermer dans une dépendance à ces énergies-là, bloquant totalement la possibilité d’entamer une transition énergétique efficace. En ce sens, TotalEnergies influe énormément sur la gouvernance des pays dans lesquels elle se trouve.

Vis-à-vis de l’objectif de décarbonation qui est touché depuis plusieurs années, et celui d’être dans les 5 premiers producteurs d’énergies renouvelables d’ici 2030. Comment est-ce possible, sachant qu’en 2021, 4 nouvelles « bombes climatiques » étaient en préparation. Sur la période 2022-2025, les investissements vers les énergies fossiles représentaient 70%, soit 10,1 milliards de dollars, contre 3,5 milliards par an pour les énergies renouvelables (20Minutes). Comment est-il possible d’arriver à atteindre l’objectif d’ici 2030 avec un pourcentage d’investissement aussi faible dans la partie énergie renouvelable ?

En bref, la stratégie de TotalEnergies ne semble pas s’aligner avec les Accords de Paris. Selon l’entreprise, son développement devrait se tourner vers la chaîne de gaz naturel liquéfié (qui est encore une énergie fossile) et qu’en 2050, les énergies fossiles ne devraient représenter que 25% de son mix de production d’énergies, donc aucune neutralité carbone. (20Minutes)

Qui peut agir ?

À la fin de l’article, on peut voir que des actionnaires mettent la pression sur la manière dont la société doit s’engager sur le long terme. Les décideurs se doivent de réfléchir et d’investir de manière raisonnée et scientifique pour permettre de lutter efficacement contre le dérèglement climatique. Les populations sont, dans un sens, prises en étau, entre la nécessité de s’approvisionner en énergie, dont le gaz, en crise depuis la guerre en Ukraine, et le changement de leurs habitudes vers une meilleure sobriété énergétique, complexe à adopter du fait du contexte de vie actuelle. Selon moi, l’impulsion doit partir d’en haut, des lois, des décideurs et des entreprises, afin d’embarquer un mouvement réel et d’ampleur pour réduire efficacement la pollution liée aux énergies fossiles. Mais madame Patrier dans son échange, dit qu’elle « compte sur vous justement pour pouvoir permettre d’accélérer », en s’adressant à l’activiste. Oui la population est une part aussi importante du changement, qui, en influant sur la demande en solution électrique par exemple, permettra d’aider dans la transition.

Ce qui est paradoxal, c’est que TotalEnergies s’est engagée très récemment sur le projet d’oléoduc géant EACOP. Selon le site stopeacop, la réalisation de ce projet menacerait 100 000 personnes en Ouganda et Tanzanie, polluerait des source d’eau dont 40 millions de personnes dépendent, traverserait des zones regroupant des dizaines d’espèces menacées, et produirait 10.9 millions de tonnes de pétrole transportées chaque année, soit l’équivalent de 34,3 millions de tonnes de CO2 supplémentaires par an. La problématique vient aussi des banques et assurances qui acceptent d’investir dans ces projets. Elles aussi sont un acteur non-négligeable de la transition énergétique à travers les projets qu’elles décident d’accompagner.

fin du fact-checking de l’information de l’activiste


fact-checking du discours de Madame Patrier

14 permis sont nécessaires pour la création d’une ferme solaire en France.

[40:27]

[EN ATTENTE DE RÉPONSE DES SERVICES PUBLICS]

TotalEnergies a arrêté la moitié de son parc de raffinerie française dans le but de s’orienter vers les énergies renouvelables

[49:52]

À NUANCER FORTEMENT

Pourquoi est-ce que cette information est potentiellement biaisée ? Tout d’abord, il faut la placer dans un contexte pour comprendre l’évolution des raffineries de TotalEnergies en France.

En 2021, La France compte 8 raffineries de pétrole, parmi celles-ci, TotalEnergies en compte 4 :

  • Gonfreville l’Orcher
  • Donges
  • Grandpuits
  • Feyzin

Elle possède aussi une bioraffinerie à la Mède, un quartier de Châteauneuf-les-Martigues, une commune française située dans le département des Bouches-du-Rhône .

Depuis 1975 et le choc pétrolier, 16 raffineries ont été fermées (Wikipédia), entre 2010 et 2013, 4 raffineries ont été arrêtées à cause d’un contexte économique difficile, vis-à-vis de la marge brute de raffinage qui avait chuté à 14€ par tonne en moyenne en 2011, soit la moitié du niveau à fin novembre 2019 (connaissancedesenergies.org).

La seule raffinerie ayant été arrêtée était celle des Flandres, dans le Nord, en 2010. La raffinerie de Grandpuits a pour projet de se reconvertir en unité de production de bioplastiques à partir de végétaux, ou encore dans la production de plastique recyclé.

Par conséquent, en 2009, TotalEnergies possédée 7 raffineries :

  • Gonfreville l’Orcher
  • Donges
  • Grandpuits (2021 – Projet de reconversion)
  • Feyzin
  • La Mède (2015 – Conversion en bioraffinerie)
  • Flandres (2010 – Fermeture)

Ainsi, le fait de dire que la moitié du parc des raffineries françaises de TotalEnergies a été arrêtée est dans un sens vrai, mais à replacer dans un contexte. La raffinerie des Flandres a été arrêtée suite à « l’effondrement de la consommation de produits pétroliers » (Le Monde), celle de la Mède pour un projet de conversion en bioraffinerie, projet tout aussi problématique quand on voit que TotalEnergies était assigné en justice en 2021 par des associations environnementales, du fait de l’utilisation d’huile de palme en guise de biocarburants au sein de son installation (Marsactu). Bien que le PDG a annoncé la fin de l’utilisation de l’huile de palme à la Mède d’ici 2023 (Marsactu), d’autres matières premières seront utilisées, tels que l’huile de colza, de tournesol ou encore de la graisse animale. Bien que le pétrole et l’huile de palme soient mis de côté, des problématiques sont encore présentes avec les nouveaux biocarburants. La culture de ceux-ci sera de toute manière une concurrence à une possible production alimentaire qui aurait pu être mise en place dans la zone de récolte pour les populations sur place.

Pour terminer, on peut encore lire dans un article du 3 janvier 2023 du site Le Moniteur que le projet de reconversion du site de Grandpuits fait encore débat. Certaines interrogations persistent, face à des possibles problématiques de rejets de polluants dans la Seine et d’émissions de certaines particules fines (PM 2,5), nocives pour la santé (Les particules fines, Airparif). De plus, le site est encore utilisé comme stockage de produits pétrolier et du dépotage.

En bref, chacun des projets est critiquable et critiqué. Il semble que TotalEnergies fournie des efforts pour petit à petit s’orienter vers des solutions plus vertes, mais il existe encore de véritables obstacles avant une stabilité dans leurs projets de conversion, suscitant de grandes questions.

Yann Wehrling, vice-président du conseil régional île-de-France

Yann Wehrling est chargé de la transition écologique dans trois domaines, la biodiversité, l’économie circulaire et l’énergie. Il fut directeur à l’ADEME, donc normalement expert assez chevronné. Il précise que la décarbonation de nos énergies et un sujet du présent et plus un sujet du futur, comme Bertrand Piccard le précisé dans son introduction.

Il parle aussi de cette complexité abordée tout à l’heure de la « fin du mois versus la fin du monde ». Il donne l’exemple de l’aide apportée par l’état auprès des Français pour payer leur facture d’énergies fossiles. Et effectivement, tout un chacun doit pouvoir subvenir à ses besoins et les besoins actuelles sont la plupart du temps, fournis à l’aide d’énergies fossiles (essences, électricité, etc.). Il aborde aussi d’autres problématiques inintéressantes concernant la transition énergétique :

  • L’acceptabilité par les populations de la mise en place de l’énergie renouvelable, amenant une modification du paysage, la présence des éoliennes, des panneaux photovoltaïques, amenant aussi le mouvement Nimby, not in my backyard ou « pas dans mon jardin » en français, décrivant l’opposition locale d’un projet d’intérêt général dont ils subiront les nuisances (sonores, olfactives, visuelles, etc…).
  • L’importance de la préservation de la biodiversité (l’ensemble des milieux naturels et des formes de vie ainsi que leurs interactions) autant que les enjeux climatiques.

William Arkwright, directeur général d’Engie Green

William Arkwright débute son discours par un démantèlement de fausses accusations sur le renouvelable. Vérifions la véracité de ses propos.

Le renouvelable ne coûte pas cher

[23:36]

Selon le ministère, cette année, ça rapporte 31 milliards d’euros à l’État.

Il dit « Quelles filières industrielles rapporte 31 milliards d’euros à l’État ? […] Nous (Engie) rapportons de l’argent. »

VRAI

Selon le Vrai du Faux de FranceTV du 27 décembre 2022, effectivement, la dernière évaluation de la Commissions de régulation de l’énergie annoncerait que 30,9 milliards d’euros rentreraient dans les caisses de l’État, grâce aux énergies renouvelables.

Pourquoi ?

En revenant quelques années en arrière, l’État avait décidé de soutenir les énergies renouvelables en garantissant aux producteurs de ces énergies un certain niveau de prix d’achat de l’électricité pour les inciter à investir. Si le prix du marché était inférieur, l’État versait une compensation aux producteurs. Avec l’explosion des prix, ce sont maintenant les producteurs qui versent cet argent, notamment source pour les boucliers tarifaires qu’on connaît sur l’énergie.

Le renouvelable ne pollue pas

[25:16]

Selon lui, et selon l’ADEME et la RTE, « le mix moyen français et son émission par gramme de CO2 par kilowattheure produit, le renouvelable éolien, solaire, est toujours en dessous ».

VRAI MAIS ATTENTION

Ne pas polluer est techniquement impossible, par contre, moins polluer voir ne presque pas polluer en comparaison à d’autres énergies, oui. Pour créer des solutions techniques telles que les éoliennes et les parcs photovoltaïques, il est nécessaire d’extraire des matières premières. Ainsi, le cycle de vie même du produit (Extraction, Fabrication, Transport, Distribution, Utilisation et Fin de vie) coûte, mais beaucoup moins que ce que peut coûter l’utilisation d’énergies non-renouvelables. Ainsi, les renouvelables sont une solution compétitive et très faiblement impactantes d’un point de vue environnemental.

Cette problématique de gestion du cycle de vie, et notamment de la fin du cycle de vie des produits, on peut la retrouver dans le débat des batteries de voiture par exemple. Cette technologie est une bonne solution qui demande néanmoins beaucoup de ressources à l’extraction et àla fabrication, et qui manque de solutions au moment de la phase de fin de vie, avec des soucis quant au recyclage des produits, selon certain débats.

Les énergies renouvelables ne sont pas marginales à la sécurité énergétique du pays

[26:06]

Ici, Monsieur Arkwright précise que grâce au renouvelable en France, et il donne ici l’exemple de l’éolien, celui-ci produirait exactement ce qui est importé en termes d’énergie, c’est-à-dire entre 35 et 40 térawattheures par an, ce qui nous permettrait d’assurer une balance neutre au niveau de notre souveraineté énergétique.

Pour ce qui est de l’importation en 2020, c’est VRAI.

Selon la SDES (Service des données et études statistiques) et son bilan annuel de l’énergie, et extrait du Bilan énergétique de la France pour 2022 publié en janvier 2022 par le Ministère de la Transition Écologique, le bilan énergétique physique de la France, est de :

  • Pour l’importation d’électricité : 19,54 TWh.
  • Pour l’importation d’énergies renouvelables thermiques et déchets : 15,46 TWh.

Données disponibles page 118 du lien juste au dessus.

Soit un total de 35 TWh d’importation d’énergies renouvelables et électriques en 2020, correspondant aux dires de Monsieur Arkwright.

Sans la production d’énergie éolienne, il semblerait que nous devrions être dépendants de nos importations, perdant en souveraineté énergétique et en plus, important une énergie plus carbonée que celle produite directement au sein de notre pays (si on prend l’exemple de l’Allemagne et de leurs centrales à charbon, ou encore du coût de transport de cette énergie). Dans toutes les conditions, le renouvelable Français semble être une solution durable et bon marché pour effectuer une transition pour « supprimer les hydrocarbures de l’équation ».

Engie Green spécialise 20% de son budget éolien ou solaire sur la biodiversité et 25% de son temps

[29:47]

LÉGÈRE RECTIFICATION

« Au total, environ 25% du temps de développement d’un projet éolien ENGIE Green et 15% de son budget est consacré à la protection de la biodiversité, qu’il s’agisse de mesures réglementaires ou de mesures volontaires. » (Site d’Engie).

Selon l’article du 20 mai 2021, c’est 15% et non 20% du budget qui est alloué à la diversité. Le chiffre a potentiellement changé entre la date de la table ronde (1er décembre 2022) et la publication de l’article. Cependant, il me semble important de le rectifier et de citer la source.

Les éoliennes tuent moins d’un oiseau par an, si elle en tue un, l’éolienne est arrêté pendant 7 mois

[38:36]

POTENTIELLEMENT FAUX

Je n’ai pas réussi à trouver de corrélations entre des éoliennes d’Engie et la mort d’oiseau. Cependant, selon une étude approfondie réalisée par la LPO (Ligue de Protection des Oiseaux) sur la mortalité imputable aux éoliennes à l’échelle nationale, les chiffres sont différents.

Sur 6000 éoliennes en exploitations, La LPO a compilé pendant un an 197 rapports sur 1065 éoliennes répartis sur 142 parcs français, on dénombre :

  • Une mortalité hétérogène (extrêmement variable en fonction d’un parc à un autre) de 1102 cadavres d’oiseaux. L’estimation de la mortalité réelle varie entre 0,3 et 18,3 oiseaux tués par éolienne et par an.
  • Certaines espèces sont plus touchées que d’autres, du fait de leur cycle de migration (postnuptiale par exemple).
  • L’implantation d’éoliennes à l’intérieur ou à proximité des ZPS (Zones de Protection Spéciales) génère la plus grande mortalité. La mortalité est au moins deux fois plus importante à moins de 1000 mètres des ZPS. On peut dénoter que les parcs les plus anciens, mis en service avant 2004, sont le plus souvent à proximité de ces zones, montrant le manque d’inclusion des impacts vis-à-vis de la biodiversité à l’époque.

En ce sens, la mortalité semble être plus élevée que celle indiquée par le directeur général d’Engie Green, cependant, il est complexe de prouver que cette mortalité soit applicable à des éoliennes du groupe en particulier. Pour l’arrêt des éoliennes pendant 7 mois, je n’ai pas trouvé de sources.


TL;DR

Les + :

  • Une sensibilisation à des sujets assez précis.
  • La possibilité de revoir certains talks sur le site internet du WIS.
  • La présence de personnalités influentes apportant un regard construit sur leur sujet.

Les :

  • Pas de phase de Questions-Réponses.
  • Complexe de faire du fact-checking lors de la conférence.
  • Beaucoup d’informations en très peu de temps.
  • La présence de personnalités influentes qui peuvent Greenwasher leur sujet.

Les Ateliers, un format plus optimisé

Le format Atelier se déroulait au sein du village exposant, et mis à part le bruit environnant qui était assez conséquent, ce format est assez prometteur. Assis devant les speakers, nous étions invités à participer de manière active aux discussions et au sujet posé sur la table. Ainsi, ce format permet de mieux inclure le public ce qui n’est pas le cas dans celui des conférences.

Que ce soit en participant à une fresque du changement durable ou encore une question sur l’éco-conception, vrai changement ou buzz word ? La diversité des sujets abordés permet à tout un chacun de se joindre à ces ateliers, ayant en général un format plus court que les conférences et permettant de souffler en étant un peu plus dans la pro-activité à travers les phases de Questions-Réponses.

Les speakers se trouvaient assis devant nous. Grâce à leur micro et aux enceintes, il était quand même possible de suivre leur discours facilement, malgré le bruit environnant.


TL;DR

Les + :

  • La diversité des sujets abordés.
  • La possibilité de pouvoir questionner les speakers.
  • Le format un peu plus court que les conférences.

Les :

  • Le bruit environnant est assez conséquent et brouille la présentation.
  • Il n’y a pas de côté « pratique » où on peut mettre la main à la pâte, le format se limite à l’interaction orale.

Le Villages des exposants, un espace d’échange

Le village des exposants regroupait lors de cette édition plus de 150 exposants, parmi les différentes expériences que j’ai pu avoir lors de ces deux jours, c’est faisant le tour du village et en discutant avec les exposants que j’ai réussi à apprendre le maximum de choses et que j’ai découvert de belles innovations. Voici une petite sélection de projets qui m’ont particulièrement tenu à cœur.

Nota Climat, le décryptage des grandes marques

L’application Nota Climat permet, en se basant sur les Accords de Paris et les actions menées par les entreprises, de leur assigner une note d’action climat permettant de visualiser facilement leur évolution en termes de CO2 lié à son énergie et l’emprunte carbone global.

Il est aussi possible d’accéder au classement de plus de 500 marques selon le niveau d’action, le décryptage de leur réduction de CO2 comparé aux recommandations du GIEC et un système de swipe permettant de donner son avis, positif ou négatif, sur une marque en particulier (adhérer ou l’éviter).

Retrouver l’application sur l’App Store et Google Play.

L’application Nota Climat sur IOS (Source : Nota Climat)

L’entreprise s’oriente aussi sur le projet OpenClimat, qui se veut être une démarche de partage de plan d’action concret, décrit de manière visible et compréhensible permettant d’embarquer les parties prenantes avec plus d’aisance.

My Boo Company, l’entreprise écologique familiale Nantaise

My Boo Company, c’est un peu mon coup de cœur de ce village des exposants. C’est une entreprise créée en 2016 à Nantes, fortement orienté sur la Low-Tech. J’ai pu découvrir Benoit Delanoë (LinkedIn) et Camille Delanoë-Joly (LinkedIn), deux individus passionnés par ce qu’ils font, avec une véritable vision responsable et durable visant à réduire nos déchets.

Ils proposent différentes solutions plutôt orientées dans la salle de bain et l’hygiène, allant du cosmétique solides, en passant par des brosses à dents en bois et du textiles et des accessoires.

Leur force est l’économie circulaire et le recyclage pour leurs produits. Leurs produits sont 100% recyclables, les packagings sont éco-pensés, les envoies sont envoyés dans des cartons upcyclés et leurs produits sont souvent analysés par des laboratoires indépendants. Bref, n’hésitez pas à les découvrir sur leur site web.

Grainette, les bombes à fleurs

Leur mission, booster la biodiversité par l’action participative à travers leur solution nommé la « bombe à graine ». C’est un petit bouchon végétal qui permet facilement la fleuraison d’une plante, un plus pour les insectes pollinisateurs.

Process de création de la Grainette (Source : Grainette)

Conclusion

Ce sommet a été une très belle expérience. J’ai pu beaucoup apprendre, découvrir le monde des conférences, les discours de spécialistes. J’ai pu aussi voir énormément de projets intéressants tout en ayant un regard critique afin d’éviter de me faire avoir par de possibles techniques de greenwashing.

Alors, le WIS n’est pas un sommet du greenwashing, cependant, il prend la responsabilité d’inviter des décideurs à la tête d’entreprises très critiquables pour parler de sujets très critiques. Il est normal de s’attendre à une difficulté de la part du public à accepter le discours proposé par des professionnels, qui eux-mêmes ne sont pas toujours cohérents vis-à-vis de leurs paroles et de leurs actions.

Ce format sans Questions-Réponses m’a forcé à effectuer mes propres recherches pour comprendre plus en profondeur les sources de certaines informations, et si besoin, pour les démentir. Vérifier et remettre en question les informations que l’on nous donne, c’est faire preuve de curiosité. Et non, la curiosité n’est pas un vilain défaut, la curiosité est l’essence même de ce qui fait de l’homme un être dynamique, qui cherche toujours à apprendre et à remettre en question ce qu’on peut lui dire, dans le but de forger son propre point de vue, pour partager ensuite à d’autres qui eux-mêmes feront la même démarche intellectuelle.

Soyez curieux !


Bibliographie

Commentaires :

A lire également sur le sujet :