H.E.A.T. is how we do it !

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The new era of work demands people with HEAT-skills, meaning humanities, engineering, arts and technology together

Esko Kilpi

Esko Kilpi est un chercheur finlandais qui travaille sur les défis que doit relever le monde du travail et de la connaissance, avec l’avènement des environnements de travail numériques. Nous inspirant de ses recherches, nous avons souhaité illustrer notre approche en mettant en place au sein de Devoteam un cadre qui régit nos actions et notre vision : le H.E.A.T. Notre vision de l’organisation est donc beaucoup plus holistique qu’un simple revenu financier.

HEAT représente les apprentissages nécessaires de notre époque : HUMANITIES (ie. Sciences Humaines), ENGINEERING (ie. Ingénierie), ART et TECHNOLOGY.

HEAT met en évidence les éléments qui sont essentiels à la réalisation de notre projet d’entreprise : c’est notre moteur, notre essence. C’est le cadre de travail qui doit nous permettre d’être exigeants avec nous-même tout en entretenant notre ouverture d’esprit et notre singularité.

Si Engineering et Technology sont fortement ancrés dans le cœur de métier de Devoteam, Humanities et Art sont à la fois ce qui fait notre originalité, mais aussi ce qui est indissociable d’une technologie qui doit être au service d’un projet humain. Nous avons fait le choix d’investir sur ces deux aspects.

Pour ce faire, nous avons déployé des connexions et des interactions de longue date avec des associations, des artistes, des ingénieur·es et des technophiles.

Co-création avec Ivan Sigg

Pour l’illustrer, j’ai demandé à l’artiste-peintre Ivan Sigg, avec qui nous travaillons depuis plusieurs années, de nous proposer sa définition du HEAT au sein de Devoteam :

H.E.A.T c’est l’énergie de mouvement d’un collectif qui fait Devoteam au quotidien. Mieux nous travaillons ensemble en conscience, en attention, en sobriété, en agilité et en créativité, plus Devoteam est H.E.A.T. Un système HEAT, intelligent et harmonieux, ne perd pas d’énergie en frottements, en turbulences, en inerties, en ondes de choc, à résister, à repousser, à se répéter… C’est autant d’énergie qu’il peut insuffler dans la créativité, ce qui fait en grande partie sa différence.

Adepte des nouvelles pratiques, je crois en l’importance de puiser dans l’art et dans les sciences humaines pour s’inspirer et se réinventer en accord avec les enjeux sociétaux auxquels nous devons faire face. J’ai aujourd’hui de fortes intuitions sur ce sujet, et le HEAT est notre proposition de valeur, ce que nous souhaitons transmettre à nos clients et nos collaborateurs et collaboratrices et ainsi avoir un impact différent sur eux.

L’entreprise ne doit plus être conçue comme une machine pilotée par les chiffres, une entreprise est organique et le vivant fonctionne sur d’autres paradigmes, notamment le collectif. Même dans des univers hyper-technologiques comme le nôtre, notre capacité collective (relationnelle, interactionnelle, et auto-organisationnelle) est souvent perçue comme un sujet allant de soi alors que nous avons besoin de développer des compétences, des pratiques, de nous améliorer en continu.

La théorie U, un outil d’intelligence collective

Souvent les projets se heurtent à des difficultés humaines au moins autant que techniques, si ce n’est plus. Autant de projets sont en échec pour des raisons collectives et systémiques et concrètement pour y faire face, nous avons démarré plusieurs initiatives autour du développement des Humanities Skills, notamment via l’appréhension de la Théorie U. Née au sein du MIT par Otto Scharmer, cette technologie sociale a développé des pratiques et des outils pour augmenter l’intelligence collective et ainsi développer la capacité d’un individu et d’un groupe à répondre à des enjeux futurs radicalement différents de ceux du passé.

L’entreprise de demain doit avant tout être un écosystème vivant (plateforme) et contribuer positivement à son environnement. Et ce que nous appelons les Humanities du 21ème siècle sont ce qu’il faut explorer pour les faire évoluer en ce sens.

Nous devons prendre conscience de ce que nous faisons, ce à quoi nous contribuons et enrichir nos compétences technologiques avec d’autres compétences et questionnements. Motivé·es par ces convictions, nous accompagnons depuis 2018 le CREA Mont-Blanc, Centre de Recherche Eco-Alpine, dont la mission est d’explorer l’impact du changement climatique sur la biodiversité et de partager ces connaissances avec les décideurs et les citoyens.

Accompagner une ONG scientifique comme le CREA Mont-Blanc nous a permis de mettre la technologie et le machine learning au service de l’environnement, mais aussi de nous inspirer des méthodes de travail de la recherche et de la science participative. A terme, nous prévoyons d’ouvrir nos travaux via une plateforme d’open data.

Sur le terrain avec le CREA Mont-Blanc

Une posture d’ingénierie

Dans ce cadre de compétences, adopter une posture d’ingénierie, orientée résolution de problème nous semble indispensable. Après 1 an et demi passée en Inde, je me suis beaucoup inspirée de la culture indienne, celle du Jugaad. Le livre Jugaad Innovation: Think Frugal, Be Flexible, Generate Breakthrough Growth de Navi Radjou en est un des fers de lance. Dans un monde où les ressources se font de plus en plus rares, il est important de repenser nos pratiques et notre vision de la technologie. Plutôt que de changer, optimisons l’existant, en prenant en compte toutes les contraintes :

  • techniques (sécurité, fiabilité, maintenabilité) ;
  • technologiques (ce qui existe, maturité, limites);
  • humaines (compétences, valeurs);
  • organisationnelles (processus);
  • financières (construction, maintenance);
  • éthiques (respect des brevets, open source, et aussi transparence sur les risques)

Un ingénieur ou une ingénieure opère avec ce qui existe déjà autant que possible. Ce qui illustre le mieux cette posture est cette fameuse scène du film d’Apollo 13, from problem to solution, où sur terre les ingénieurs doivent construire un filtre avec les moyens dont disposent les astronautes dans l’espace pour sauver la mission. Faire entrer un carré dans un rond. C’est ce niveau de résolution de problèmes que nous devons atteindre.

Nous devons explorer et challenger les méthodologies existantes en nous inspirant des bonnes pratiques et des expériences des autres, en nous appuyant sur des technologies et des outils existants. Si nous constatons un manque, alors nous pouvons orienter nos efforts vers la conception de nouvelles approches et/ou d’agencements d’outils en s’inspirant d’autres secteurs (biologie, industrie-logistique, robotique, etc.) pour développer notre créativité, notre capacité à innover. Nous adoptons cette approche exploratoire via notre centre de recherche Gravity en vue de partager les résultats de l’expérimentation (ce qui fonctionne, ce qui fonctionne moins bien).

Art et entreprise ?

Quel lien avec l’Art me direz-vous ? Et bien pour l’illustrer je vous propose cette citation de Garry Salisbury dans la langue de Shakespeare :

The path to creation is no different whether it’s science or art. If the final product invokes an emotion that elevates your mood or impacts you in a way that makes you stop and wonder, it’s good art. Otherwise, it may simply be bad art. You look and move on.” Je vous propose ici une traduction : « Le chemin de la création n’est pas différent, qu’il s’agisse de science ou d’art. Si le produit final évoque une émotion qui élève votre humeur ou vous impacte d’une manière qui vous fait vous arrêter et vous émerveiller, c’est de l’Art avec un grand A. Sinon, c’est simplement de l’art avec un petit a. Vous regardez et passez à autre chose.” 

Tout comme l’Ingénierie, l’Art est à la fois un outil composé d’une multitude d’outils et médias (pinceau, stylo, son propre corps comme support), d’un concept, avec des codes et un apprentissage académiques. On étudie l’art et ses mouvements, sa mutation au fil des décennies. Le A de ART vaut également pour la création, la créativité, la communication, l’expérimentation, le mouvement de la pensée qui complète celui du poignet. Il a à la fois une valeur esthétique et technique. L’Art et l’Ingénierie nous rappellent l’importance d’embrasser les contraintes et le changement car elles permettent d’être créatif et d’innover en développant notre capacité d’adaptation.

Aujourd’hui, notre environnement artistique, notre champ d’action au sein de l’entreprise, réunit un collectif complémentaire, qui inclut notamment Ivan Sigg, artiste-peintre engagé, Aurélie Cenno, photographe et activiste, Vincent Giavelli, graphiste, directeur artistique et enseignant, Arnaud Deprez, danseur de Hip Hop professionnel, Sandrine Anberrée, graphiste, et Arnaud Liar, ancien graffeur multi-casquettes. Nous poursuivons le développement de notre créativité à travers l’acquisition de nouvelles compétences, et l’ouverture à de nouvelles rencontres et disciplines qui dialoguent entre elles.

Arnaud Liar lors du Summit AWS 2022

Durant la semaine de l’art et de nombreux autres évènements, les collaborateurs et collaboratrices de Devoteam ont pu échanger avec Ivan Sigg, créateur qui à travers sa pratique vient à notre rencontre pour faire émerger de nouvelles compétences. Au cours de cette semaine nous avons notamment organisé un déplacement au Palais de Tokyo, centre de création contemporaine dans l’idée de changer de point de vue, de nous laisser surprendre par la matière, par l’autre, et par soi en premier lieu.  

Dans le cadre des autres collaborations mises en place nous avons aussi l’opportunité d’échanger avec Arnaud Deprez, BBoy Fenix, qui met son corps en mouvement, comme outil au service de sa création. Avec sa troupe, il a composé Insight Data, où la danse interagit avec le public à travers la technologie. Nous jouons sur le côté ludique de l’Art, pour pousser les uns et les autres à se mettre en scène, se mettre en mouvement (ne pas rester statique derrière son ordinateur), aller à la rencontre des autres, créer des liens, se (re)découvrir.

A Toulouse, nous avons même mis en place un atelier d’une journée avec un acteur et metteur en scène du Théâtre du Grenier. Cette expérience fut très riche et nous a beaucoup appris sur le développement de l’écoute de l’autre, la co-création dans un temps contraint et plus globalement la dynamique d’équipe.

Ivan Sigg dans nos locaux lors de la semaine de l’Art

L’art est donc un outil pour faire ensemble, pour se (re)connecter, pour mettre en commun nos compétences, et faire preuve d’imagination. C’est un moyen de communiquer ensemble mais aussi vers l’extérieur. La technique est indispensable et fait partie de l’œuvre, mais là où cela devient intéressant c’est lorsque l’on maîtrise parfaitement l’outil pour pouvoir s’en émanciper, sortir du cadre et explorer d’autres horizons. C’est ce parallèle qui nous permet d’offrir une expérience différente à nos clients et d’ainsi provoquer une réaction.

Technologie

Aujourd’hui la technologie est au cœur de nos discussions et prend énormément de place.

Elle est à la base de tout, car pour faire du H, du E et du A, il faut maîtriser des outils (IT pour les ingénieurs, appareil photos pour les photographes, théorie U pour les consultants…). Parce que nous sommes des DOERS, notre raison d’être est d’apporter, contribuer et réaliser des choses. Nous avons besoin de la technologie pour mettre en pratique les autres lettres – même si elle peut aussi être le fruit des autres – mais elle ne doit pas prendre toute la place. La technologie doit se mettre au service des projets, des utilisatrices et utilisateurs. La technologie est un outil et non pas la finalité, c’est pourquoi l’intention que nous posons en tant qu’organisation est primordiale. Mais l’intention au service de quoi ?

Je suis convaincue que la Technologie n’est pas neutre, elle pose des enjeux éthiques forts, sur le sens que nous souhaitons donner aux objets technologiques et l’importance d’une économie numérique soutenable (sobriété numérique).

La technologie doit aider à reconnecter et non à diviser par le virtuel, car le danger est de nous soustraire à la réalité. Donc comment faire pour qu’elle nous raccroche au vivant, à la réalité ? Qu’elle nous permette de découvrir de nouvelles façons de voir la réalité, la couche d’abstraction entre le monde tel qu’il est et comment il nous est représenté via la technologie. Notre conviction et notre pari c’est que la technologie peut nous reconnecter au vivant, à la réalité.

Sources :

  • Les challenges des ingénieurs – de nombreux articles existent, dans celui-ci plusieurs challenges qui nous concernent (Climat, Apprentissages personnalisés, CyberSécurité, Engagement des jeunes générations…)
  • Science et Art
  • Engineering Method – article intéressant sur les différentes phases de l’ingénierie (pas du développement, juste les phases d’ingénierie)
  • Artiste Robin Meier ( interaction homme / machine et devient un objet artistique )

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